La manière Dionis a l'art de les irriter
«Ils n'ont rien fait », déclarent en résumé, le maire, Jean Dionis du Séjour et les élus de la majorité en pointant du doigt leurs prédécesseurs. Lesquels passablement agacés par cette analyse répondent à leurs détracteurs ce qui pourrait se résumer ainsi : « Ils ne font rien ».
Voilà le contexte des relations entre nouvelle majorité municipale et nouvelle opposition, un an après les élections. De manière plus pragmatique, que s'est-il passé pendant cette année de mandat ? Quels dossiers ont fait débat ?
1 Le chantier des conseils de quartier
Comme tous les dossiers que l'équipe actuelle lance, le principe de la mise en place de 23 conseils de quartier sis sur les 23 bureaux de vote de la ville était inscrit dans les engagements de campagne du maire. Le principe : proposer au suffrage universel (le 15 mars) l'élection de conseils de neuf membres. Associations avec lesquelles la municipalité entend signer un contrat d'objectifs sur des aménagements et animations.
C'est le mode de désignation « excluant une partie de la population » qui a soulevé les premières critiques de l'opposition. La section du Parti socialiste locale, sans l'ancien maire Alain Veyret, a même appelé au boycott de l'élection. « Je regrette que tout le monde ne puisse pas participer. Et puis avoir recours à l'élection donne l'illusion d'un certain pouvoir à ceux qui vont être élus, qu'ils n'auront pas. Certes l'idée d'augmenter le nombre de comités que nous avions initiés était intéressante, de là à en envisager 23... », souligne néanmoins le leader de l'opposition municipale. Son collègue écologiste, Alain Bédouret considère l'initiative coûteuse, « gadget » et non urgente, comme la vidéosurveillance, « alors qu'il y a des priorités sociales ».
Jean Dionis du Séjour, pour sa part, regrette que « la gauche n'ait pas adhéré à ce dossier qui ne pouvait que nous rassembler. La démocratie participative, la gauche en parle, nous, on la fait. Elle a été paresseuse sur ce coup-là ».
2 Une gouvernance qui fait grincer
Dès le lendemain de l'élection municipale, la question de la présidence de la régie de quartier fait grincer les dents de l'opposition. Le maire exprimait sa volonté de reprendre la main sur la structure au nom de « la légitimité du vote des Agenais » : remplacer Dominique Renard (élu de la majorité précédente) par Pierre Chollet (élu de la majorité actuelle). Jusque-là, la situation paraissait logique et les parties en présence plus ou moins d'accord. En revanche lorsqu'il a été question de changer également le directeur de la régie au profit « d'un lieutenant de Dionis », les esprits se sont échauffés. Il aura fallu une action en justice, trois mois d'ambiance houleuse pour que le député-maire fasse machine arrière et qu'un consensus soit trouvé.
Rebelote six mois plus tard avec la question de l'Office de tourisme et la volonté de Jean Dionis du Séjour d'imposer deux personnes au conseil d'administration en modifiant les statuts de l'association.
Et le maire de justifier son choix : « Il faut que l'Office aille vers les jeunes et implique les professionnels, c'est donc dans cette optique que j'ai proposé les deux candidatures. Il y a eu une assemblée générale extraordinaire qui a avalisé leur élection. »
Antoine Fine, élu de l'opposition et membre du conseil d'administration de l'OT, n'est pas de cet avis. Il a saisi le tribunal administratif considérant d'une part que le maire n'avait pas à ordonner une AG extraordinaire, s'immisçant ainsi dans le fonctionnement d'une association et d'autre part que le résultat du vote n'est pas conforme. Action en justice que Jean Dionis du Séjour qualifie de « tempête dans un dé à coudre ».
3 Agen Habitat et logements sociaux
Lors du dernier conseil d'administration de l'Office public Agen-Habitat, la nomination de Denis Soliveres - directeur général des services de la Communauté d'agglomération d'Agen - au poste de directeur général de la structure avait fait tiquer quelques membres. L'élue de l'opposition, Catherine Pitous, a écrit au préfet, soulignant que les statuts de l'Office spécifient « que le poste de directeur général ne peut être exercé de manière accessoire ». Le président d'Agen-Habitat, Jean Dionis du Séjour, précise qu'actuellement il planche avec les services de la préfecture « sur une solution juridique qui devrait être rapidement réglée. Et à tous ceux qui cherchent ainsi la petite bête, je réplique : a-t-on jamais vu Agen-Habitat en aussi bonne santé qu'aujourd'hui ? En un an une nouvelle équipe a débloqué les choses et fait avancer les dossiers ».
Des dossiers pour certains lancés par l'ancienne municipalité mais revus et « corrigés » : c'est le cas de Donnefort dont les immeubles ne seront pas démolis mais rénovés. C'est le cas également du projet de rénovation Tapie. « Nous avons conservé le coeur de projet mais là aussi il y a des bâtiments que nous avons choisis de rénover plutôt que de démolir. Par ailleurs nous nous sommes intéressés aux bâtiments A1 et A2 pour refaire l'isolation », souligne Marie-Françoise Massalaz, vice-présidente de l'Office tandis que l'opposante Catherine Pitous juge cette orientation comme une « opération clientéliste. Je regrette par ailleurs que la nouvelle municipalité ait renoncé à la démolition prévue, pour faire du vieux avec du neuf. »
Pour autant, l'élue de l'opposition a bel et bien voté le projet d'Agen-Habitat « car pour moi le logement est une grande conviction et une priorité. Maintenant, j'attends de voir comment ce projet va être mis en musique ». Et c'est la vice-présidente qui donne un aperçu de la partition. « Nous avons lancé un diagnostic sur les 3 000 logements que nous avons, dont 1 800 sont à réhabiliter : des réhabilitations lourdes, moyennes ou légères suivant les cas. Nous avons également lancé un programme neuf du côté de l'avenue Michel-Serres avec 80 logements prévus dont dix maisons en accession à la propriété, avec des commerces en rez-de-chaussée. »
À noter également que c'est l'Office Agen-Habitat qui a racheté l'immeuble du Queen's, verrue du boulevard Carnot. « Cette acquisition a fait débat au sein du conseil d'administration mais nous avons abouti à un bon consensus. La construction de 3 logements sociaux pour personnes en grande difficulté est programmée avec un commerce en rez-de-chaussée », ajoute la vice-présidente. De son côté, Catherine Pitous qui s'était abstenue sur ce dossier dénonce le prix de la transaction (127 000 euros). Et de conclure : « Je ne ferai pas d'opposition systématique, j'ai trop conscience de ce que représente le logement pour un individu. Je resterai néanmoins vigilante sur les dossiers comme celui de la résorption de l'habitat insalubre sur lequel nous avions beaucoup travaillé. »
4 Éducation et sport, entre autres
La politique municipale sur les écoles, impulsée par la nouvelle majorité a déjà soulevé un vent de protestation venant de parents d'élèves inquiets du devenir de leur établissement. Le maire avait annoncé la couleur d'entrée : « Il faut moderniser et réorganiser nos écoles maternelles et élémentaires. Et au final, nous aurons moins d'établissements. » Des établissements dont l'entretien a bien évidemment un coût. Une étude a été lancée et dès avril, le fameux plan de restructuration devrait être connu. D'ores et déjà on sait que l'école Gaston-Salvan fermera ses portes.
Elu de l'opposition, Jean-louis Matéos, parle d'une « politique scolaire reléguée au second plan. La priorité n'est plus la place des enfants au centre du dispositif d'éducation. La priorité, c'est la gestion comptable ». Maïté Alonso, élue de l'opposition, dénonce, quant à elle, une absence totale de politique sportive tandis que Thierry Hermerel, adjoint aux sports avance « un gros travail sur les quartiers avec la collaboration des clubs, la mise en place d'activités pour tous, le mercredi matin du fait qu'il n'y ait plus d'école, d'autres activités de découvertes de disciplines dans les "Vacances pour tous", sans oublier un soutien aux associations en fonction de leurs besoins ».
Reste la question de la subvention au SUA. La municipalité envisage de l'augmenter ce qui n'est pas fait pour satisfaire l'opposition. « Nous avons lancé une étude afin de déterminer à quelle hauteur en moyenne les villes de la taille de celle d'Agen subventionnent les clubs de Pro D2 », conclut Thierry Hermerel.
Le multiplexe, place du Pin
Pour
Jean Dionis du Séjour
Nous avions été très clairs pendant la campagne électorale sur le sujet, et les Agenais se sont montrés intéressés. Ce projet de multiplexe en centre-ville explique une partie des votes qui nous ont été favorables. »
Il est vrai que Jean Dionis du Séjour n'a jamais caché ses intentions de balayer le projet d'implantation d'un complexe cinématographique à Donnefort, pensé par son prédécesseur.
Pour le maire d'Agen, élu le 16 mars 2008, le multiplexe devait « nécessairement revenir au centre-ville et ce, par cohérence mais aussi parce que l'accessibilité géographique du centre-ville est naturelle. » Restait à lui trouver un point de chute en coeur de ville : la place du Pin était choisie, comme « lien entre le centre-ville et les quartiers périphériques. » Aujourd'hui, le projet est sur les rails avec une réflexion sur le stationnement : « Nous aurons des emplacements sur le site du Sernam près de la gare et nous réfléchissons à un parking souterrain de 200 places. »
Quid alors du site de Donnefort ? « Nous avons bien avancé sur notre idée de création d'un technopôle du bâtiment avec le centre de formation des apprentis et la Fédération compagnonnique dont l'agglo sera le maître d'ouvrage. Autour nous aurons un village d'artisans. »
Contre
Alain Veyret
En fait ce qui oppose la nouvelle majorité de l'ancienne, c'est la vision de la ville. Nous avions avec cette idée de multiplexe à Donnefort une vision ouverte de la ville, Jean Dionis, avec son projet du Pin a une vision très conservatrice, fermée sur l'hyper centre-ville. D'autant que l'on aurait pu envisager des navettes gratuites pour accéder au site. Il l'a bien fait pour le Parc des expos... Par ailleurs, je trouve dommage que dans une période économiquement et socialement difficile comme celle que nous traversons, que l'équipe actuelle n'ait pas choisi l'opportunité de Donnefort. Car il s'agissait au-delà du multiplexe en lui-même, de profiter de ce projet pour redynamiser le quartier, le rénover et reconstruire les immeubles. Des immeubles pour lesquels l'équipe Dionis envisage une rénovation, autrement dit tenter de faire du neuf avec du vieux... Les locataires vont se retrouver avec des loyers plus élevés pour un même cadre de vie. »
Après, c'est l'aménagement de la future place du Pin version multiplexe qui catastrophe l'ancien maire. « Cette place qui avait besoin de respirer va être défigurée ! Et puis à Donnefort, le parking n'aurait rien coûté. Ici, non seulement on va perdre 100 places mais en plus il va falloir construire un parking souterrain avec un coût moyen de 20 000 à 25 000 euros par place. »
Un face-à-face de quatorze années
Le 7 février dernier, les neuf conseillers municipaux de l'opposition se levaient comme un seul homme et quittaient la séance, reprochant au maire Jean Dionis du Séjour de leur imposer un Conseil municipal un samedi, au lieu du sacro-saint lundi soir. Cet épisode résume la progressive dégradation des relations entre majorité et opposition. Le ton policé et la courtoisie de bon aloi des toutes premières séances, où les uns s'engageaient à « donner toute sa place à l'opposition » et les autres annonçaient « une vigilance » sans contradiction systématique, ont été rapidement balayés lorsque les sujets qui fâchent ont été avancés.
Il y eut d'abord le film du multiplexe même si la bande-annonce d'une révision totale du projet et surtout de son emplacement avait été largement diffusée lors de la campagne de Jean Dionis du Séjour. Dans la foulée le plan cinématographique ayant été retiré de Donnefort - pour la place du Pin -, c'est la nouvelle orientation souhaitée par le maire pour ce site qui a échauffé les esprits. Ensuite, la réévalution du soutien financier aux écoles privées de la cité et les projets d'augmentation de la subvention au SUA Rugby ont clairement délimité le champ de bataille entre la droite et la gauche, et on devrait même dire entre Jean Dionis du Séjour et Alain Veyret.
Car si la réalité des dossiers et le mode de gouvernance de la nouvelle équipe ne pouvaient que conduire à un certain « débat » d'idées, il est indéniable que passé le temps des civilités, le député-maire d'Agen et son prédécesseur laissent transparaître une inimitié qui ne date pas d'hier.
Quatorze ans qu'ils s'opposent sans manifester une quelconque sympathie l'un pour l'autre: d'abord sur le terrain de l'opposition municipale de 1995 à 2001 puis sur le terrain législatif pour la conquête du siège de député en 2002 et de nouveau sur la pelouse ageno-agenaise pour les municipales de 2008. Pour Jean Dionis du Séjour, Alain Veyret n'a « rien d'un homme de projet. C'est un homme de coup et d'annonce qui a fait le vide autour de lui, ne prospérant que dans le conflit. » L'intéressé lui renvoie largement le compliment évoquant « un homme qui essaie d'humilier les gens et qui peut être insultant. Un homme qui veut qu'on parle de lui ».
Aujourd'hui, cette opposition politique et personnelle transpire de plus en plus sous les dossiers. L'ancien maire socialiste autrefois qualifié de « cumulard » joue le match retour sur ce terrain, prenant plaisir à rappeler la liste des mandats détenus par son successeur et « son incapacité à les assumer. »
Petites mesquineries entre amis obligent, Jean Dionis du Séjour, de son côté, rappelle à son prédécesseur qu'il a usé plusieurs adjoints (NDLR : quatre) qui ont préféré jeter le gant plutôt que de continuer à ses côtés. Reste à savoir si ce match de boxe ne va pas finir par lasser...
Valérie Deymes
Le coût des ambitions
Le maire d'Agen, Jean Dionis du Séjour, est également président de la Communauté d'agglomération d'Agen. Une double casquette - il en a d'autres dont celle non négligeable de député de la circonscription - qui entraîne une vision couplée en terme de gestion. Le maire Nouveau Centre envisage de donner à de nombreux champs municipaux une résonance communautaire. Une résonance qui devrait s'élargir au fil des ans puisqu'il a clairement annoncé son intention d'élargir le territoire de l'agglo.
Premier round : l'adhésion de la commune de Saint-Hilaire de Lusignan qui devrait être validée par le préfet courant 2009. « Notre Communauté a passé un mandat à blanc sans adhésion. Le nouveau bureau a décidé de reprendre la marche en avant. Je suis convaincu que tous les habitants du Pays de l'Agenais partagent les mêmes préoccupations quotidiennes et ont donc vocation à s'unir. Ça prendra du temps, nous convaincrons et nous ne passerons jamais en force. » Une stratégie que l'opposition municipale agenaise désapprouve. « La CAA doit s'élargir sur des communes qui ont les mêmes approches qu'elle, notamment en terme de voiries ou d'ordures ménagères. C'est le cas de Pont-du-Casse mais aussi de Castelculier. Après, il faut créer des passerelles avec les autres communautés de l'Agenais sur des compétences comme le transport, et envisager des mutualisations », souligne Alain Veyret.
« Surprises financières »
Lui et son collègue, Alain Bédouret, ont quelques inquiétudes quant à l'avenir financier de l'agglo. « Jean Dionis peut nous remercier : nous avons donné des ressources à la ville d'Agen ce qui a permis à la CAA d'envisager de lourds investissements. Maintenant, il faut prendre la mesure de la crise économique. Il court après la dotation globale de l'Etat en voulant élargir le territoire de la CAA. Or, l'élargissement entraînera des charges supplémentaires non compensées par cette dotation que l'Etat va inévitablement baisser dans le contexte actuel. On aura des surprises financières. Et même s'il fait mine d'une certaine sagesse en terme de budget de fonctionnement, il devra avoir recours à l'emprunt et donc à l'augmentation de la fiscalité... On a déjà un avant-goût avec la hausse de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères... »
V.D.
SUD OUEST | Lundi 09 Mars 2009
Légende Photo : En un an, majorité et opposition ont trouvé de nombreuses pierres d'achoppement et les tensions entre Alain Veyret et Jean Dionis du Séjour (tous deux en haut à droite) deviennent plus visibles. (Photo archives thierry suire)
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