Dans le match Jack Lang- Jean Dionis du Séjour (Nouveau Centre), associé à Christian Kert (UMP, Bouches-du-Rhône), le député-maire d'Agen a perdu (la première manche ?) la bataille du prix du livre, contraint à un repli même pas stratégique à la mi-juillet, au grand soulagement de la ministre de la Culture, Christine Albanel.
L'amendement au projet de la loi de modernisation de l'économie (LME) visant à réduire de deux ans à six mois le délai avant lequel il n'est pas autorisé de pratiquer des rabais sur les livres a provoqué une levée de boucliers musclée des professionnels du livre. Face aux auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, signataires d'une tribune pour la défense de la loi Lang, Jean Dionis du Séjour, surpris, a accusé le coup. « Je ne m'attendais pas à ce que cet amendement déchaîne un torrent de réactions. C'est très injuste ».
Bronca générale
La réprobation s'est aussi manifestée dans son fief. Le philosophe Michel Serres, de l'Académie française, et le patron de la librairie Martin-Delbertfigurent parmi les signataires d'un manifeste remarqué. S'il était encore en vie, Jasmin, le poète occitan, y serait lui aussi allé de sa plume. Jean-Pierre Delbert, président depuis 30 ans d'une coopérative de libraires, a fourni au parlementaire tous les arguments, l'a alerté sur les conséquences attendues de la suppression de la loi Lang, sur l'efficacité redoutable du lobbying d'Amazon. « Il s'est ému du gaspillage apparent auquel semblait donner lieu le pilonnage des livres invendus. Or tout repart en pâte à papier. Le circuit est très moralisé ». Les deux hommes sont désormais quittes : « Il m'a entendu, je suis heureux d'avoir eu un débat avec lui ».
Apparu comme celui qui voulait mettre à bas la loi Lang du 10 août 1981, le centriste a été contraint de manger son chapeau. Il se défend d'avoir dégainé trop vite : « La loi Lang visait à contrer la distribution des livres en grande surface. Elle a produit des effets pervers dont un taux de retour inacceptable », surtout pour l'un des cinq députés impliqués dans le Grenelle de l'environnement. Écologie ou pas, pour Martin-Delbert, l'amendement n'avait pas sa place dans la LNE : « La loi Lang n'est pas inscrite dans la philosophie libérale et européenne car elle est reconnue au titre de l'exception française. Elle a permis la baisse des prix et a apporté un ballon d'oxygène à l'édition ».
Mis au pilori par « Charlie Hebdo » dont le numéro passe de main en main parmi les socialistes agenais, le parlementaire n'a pas tourné la page. Il veut « refonder par la loi le métier de libraire autour du conseil aux lecteurs ». À la façon de Christine, son mentor à la librairie Martin-Delbert.
Livres. La deuxième manche à l'automne.
«Je continuerai à me mobiliser pour le livre»
Au titre de porte-parole du groupe le Nouveau Centre pour la loi sur la modernisation économique, Jean Dionis du Séjour a multiplié les auditions : dans le monde de la grande distribution, des PME, des télécom, des acteurs de la filière du livre. Il apprend ainsi que 70 millions de livres invendus sur 450 millions sont détruits chaque année. De là l'idée de l'amendement. « À l'époque du Grenelle de l'environnement, on ne peut pas dire : circulez, il n'y a rien à voir ! », répète-t-il inlassablement en direction de ceux qui défendent « la vache sacrée », la loi Lang. Aujourd'hui, il introduit des nuances : « Cette loi a peut-être une utilité mais elle a vieilli. Il faut la moderniser. Cette législation favorise une offre très complète mais elle génère un taux de destruction de livres énorme. Un assouplissement doit être trouvé ».
Sur son blog, JDDS reconnaît que « cet amendement pourrait causer des torts aux libraires les plus fragiles et les plus exigeants ». Il admet que « si le remède semble être mauvais, les symptômes de cette maladie existent ».
Il continuera sa mobilisation pour le livre, confronté à la vente en ligne et à l'arrivée du livre électronique. Le député avertit : « Le débat sera porté dans l'hémicycle ». Selon les réponses, il avisera… En qualité de président du groupe internet, JDDS pense poser la question de la numérisation de la chaîne de création artistique à travers le texte « Création et Internet » qui prolonge la loi DAVSI (droits d'auteur et droits voisins), adoptée en mars 2006, ou par le biais du Grenelle de l'environnement. R. H.
Publié le 23 Juillet 2008 à 11h30 | Auteur : Richard Hecht - La Dépêche du Midi
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