Un conseil entre soi, faute d’opposition
Le samedi, sanctuaire de quiétude réservé à la famille ? C’est sans doute l’impression paradoxale que laissera cette toute première « formule week-end » du conseil municipal, inaugurée par l’équipe de Jean Dionis, puisque c’est effectivement en famille - politique - que les élus de la majorité se sont retrouvés, samedi toute la journée. Du moins si l’on excepte le tempétueux intermède qui vit l’opposition dire tout le mal qu’elle pense de cette innovation calendaire, sur le fond, et des conditions de sa mise en œuvre, sur la forme (lire ci-contre), avant de claquer la porte. Na !
Comme les grandes collectivités. La majorité avait en effet opté, à la faveur du débat d’orientation budgétaire, exercice aussi fastidieux qu’obligatoire, pour un modèle directement calqué sur celui des régions et des départements, à savoir un exposé général préliminaire le matin, suivi de travaux en commissions avant une synthèse dans l’après-midi. L’indépassable ligne d’horizon de cette grande première ayant été fixée au coup d’envoi du match Irlande-France.
L’opposition « sèche » les débats du matin. Sauf qu’à 9 heures, à l’ouverture de cette séance marathon, les conseillers de la majorité sont tous là ou presque(1), mais aucun des huit élus de gauche ne répond à l’appel : l’opposition a « séché ». Une absence qu’on commente avec jubilation dans les rangs majoritaires. Les élus se dispatchent au gré des six commissions municipales, et tout ce petit monde se retrouve comme prévu dans la salle des Illustres à 14 heures pétantes. C’est le moment que choisissent les élus d’opposition pour faire leur entrée, sous quelques applaudissements narquois. Une apparition express, dix minutes tout au plus, puisque sitôt lue la déclaration d’Alain Veyret, la petite caravane s’ébranle vers la sortie, sous la bronca majoritaire. Les élus « restants » auraient apprécié que l’opposition ait la courtoisie d’écouter la réponse de Jean Dionis à la violente charge d’ Alain Veyret- « Votre réponse, on la connaît ! », lance celui-ci en tournant les talons. Les commentaires fusent : « Que c’est petit ! », « Pas courageux », « Minable ! », « Fermez la porte s’il vous plaît », etc.
Moins ennuyeux ? Bof… Bernard Lusset, le premier adjoint de Jean Dionis, avait donc vu juste, lui qui pronostiquait la veille que la formule retenue rendrait sans doute ce débat d’orientation budgétaire un peu moins ennuyeux… Et le même de se féliciter, dans la foulée de cette sortie fracassante, de l’efficacité de cette innovation, qui aura permis aux différentes commissions de trouver le bon tempo.
Après la réponse aux absents de Jean Dionis (lire ci-dessous), sensiblement du même tonneau que la sortie d’Alain Veyret question virulence, les « débats » vont donc pouvoir se poursuivre comme si de rien n’était ou presque, dans une sorte d’autocélébration monophonique. On ne se risquera surtout pas à désigner un gagnant dans ce (pas) drôle de bras de fer, en revanche il ne fait aucun doute que s’il y a un perdant, c’est le débat démocratique - c’est qui, celui-là ?
Michel Amigues
(1) à l’exception de l’adjointe à la jeunesse, Clémence Robert, retenue par… un accouchement — félicitations !
Jean Dionis : « Je leur réponds que le changement va continuer ! »
Minuscopique. « C’est tout petit ! J’aurais aimé que l’opposition attende ma réponse, on aurait pu débattre, ce n’est pas courageux. Les élus de l’opposition ont été avertis de la tenue de ce conseil en même temps que ceux de la majorité, à savoir le 22 janvier. Et ils ont les dossiers en main depuis une semaine, les huit jours calendaires exigés par la loi ont donc été respectés. »
Artifices misérables. « Je constate que mis à part pour des raisons de force majeure [l’accouchement de Clémence Robert], tous les élus de la majorité sont là, y compris le directeur de cabinet du maire de Bordeaux, Ludovic Martinez ! Et pour dresser un parallèle entre Agen et Bordeaux, j’observe d’ailleurs que les mêmes causes produisent les mêmes effets : quand l’opposition n’a rien à dire, elle recourt à des artifices misérables ! »
Arthrose. « Alors je réponds à l’opposition que le changement va continuer ! Nos socialistes locaux ont un peu d’arthrose, ils sont un peu archaïques, il va fal -loir qu’ils se dérouillent. Nous avons choisi cette formule de débat budgétaire pour nous donner du temps, pour mobiliser efficacement les commissions municipales, car c’est un enjeu qui le mérite. »
Cible. « Mais vous aurez compris que cette affaire a une autre cible, et que cette cible, c’est moi. On me reproche de cumuler les fonctions de député-maire, mais c’est un choix que j’ai effectué en toute clarté. L’inconvénient est connu : on est alors moins présent qu’un maire à temps plein. Mais c’est un avantage certain en terme d’influence… encore faut-il que le député en ait ! Et quand il était dans la même position que moi, Alain Veyret n’a pas su en tirer parti. Je rappelle qu’un classement récent me situe parmi les dix députés les plus assidus à l’Assemblée. En revanche, si l’on veut trouver trace du travail parlementaire d’ Alain Veyret, c’est un travail de moine ! J’ai fait des choix, et je prends mes dispositions pour tenir mes engagements.»
Tempête. « Pour ce qui est des reproches adressés à propos de la tempête, je rappelle que les élus de la majorité étaient présents dès le samedi matin à la cellule de crise à la mairie, et jusqu’au dimanche soir quand nous avons dû gérer la décision du préfet, prise à 16 h 30, de fermer les écoles le lendemain. A-t-on vu une fois les élus de l’opposition, par solidarité avec les Agenais ? L’attaque est petite, mesquine, méchante, et la vérité est que l’opposition n’est nulle part, elle ne travaille pas, et je suis d’autant plus à l’aise de le dire devant huit fauteuils vides… »
La colère d’Alain Veyret
Choqués. « Nous avons été choqués de la manière dont vous avez chamboulé le calendrier de nos conseils. C’est sans la moindre concertation que nous avons appris, une semaine avant, que ce conseil se tiendrait le samedi toute la journée et non le lundi comme c’est la tradition depuis des décennies. Nombre d’entre nous ont des activités professionnelles et ne peuvent modifier à la dernière minute leurs engagements […] Vous me voyez après une nuit de peu de sommeil et une matinée consacrée à assurer les soins de pathologies lourdes [chirurgien, Alain Veyret était de garde].»
Conflit. « à croire que vous souhaitiez créer un conflit : c’est d’autant moins compréhensible que l’ordre du jour ne présente rien de particulier, les orientations budgétaires vont vous permettre une nouvelle fois d’ânonner votre bible des engagements, et les rapports de décliner la mise en œuvre de la restauration de Tapie décidée par ma municipalité, que vous n’aviez de cesse de vouloir empêcher et à laquelle vous vous êtes rallié aujourd’hui. »
Affiches. « Certes, il y aurait eu l’effacement de l’ardoise dont vous êtes redevable auprès des Agenais après avoir souillé notre ville au cours des élections [lire notre édition de samedi], mais cette attitude est tellement petite que nous n’aurions émis aucun commentaire, laissant nos concitoyens juger par eux-mêmes de votre mesquinerie. »
Samedi… et dimanche. «[Pourquoi] le choix du samedi dans une petite ville comme la nôtre où le nombre de décisions est sans commune mesure avec les grandes villes, et où une fréquence plus élevée des conseils municipaux éviterait les marathons tout en laissant libre le samedi, qui est souvent le seul moment où chacun peut assumer une vie de famille ? Vous aviez rappelé sur l’ouverture des magasins le dimanche que celui-ci devait être consacré à la famille pour « des activités de conscience le matin et de loisirs l’après-midi ». C’est votre choix, pas le mien ! Pour moi, le week-end commence le samedi, et les conseils doivent se tenir en semaine.»
Cumul. « Le véritable problème que met en avant cette modification de date, c’est votre indisponibilité et votre incapacité à assumer tous les mandats que vous avez voulu cumuler. Après m’avoir fustigé en 2002 en me traitant de « cumulard » […], vous vous êtes confortablement assis sur vos belles paroles pour concentrer entre vos mains tous les mandats passant à votre portée : maire, député, président de la CAA, de l’Association des maires, de l’office HLM, vice-président de la commission économique à l’Assemblée… »
Absences. « Vos absences sont de plus en plus remarquées lors d’événements imprévus où les Agenais ont besoin de voir leurs élus, le dernier exemple étant la tempête qui nous a frappés récemment. »
Ciao. « Devant cette attitude, nous avons décidé de ne pas participer à ce conseil dont la tenue n’a pas lieu à la date que vous nous aviez indiquée lors de l’établissement du calendrier.»
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