L'ancien maire, devenu conseiller municipal d'opposition, revient sur sa défaite aux municipales et tacle sévèrement son successeur.
Huit mois après avoir été dépossédé de son écharpe de maire d'Agen par Jean Dionis du Séjour (Nouveau Centre), Alain Veyret (Parti socialiste) a accepté de répondre à nos questions. On retrouve un homme apaisé et un chirurgien affairé, revenu tout à ses patients. Et si l'on sent toujours poindre une sorte de déchirure lorsqu'il évoque sa défaite aux municipales, Alain Veyret balaie d'un revers de main le « syndrome du dépit amoureux » que l'on aurait été tenté de diagnostiquer : « Que les autres vous reconnaissent ou pas, ce n'est pas un problème. Je n'ai jamais fait de la politique pour me faire aimer mais pour rendre service ».
L'animal politique, naguère tombeur de Jean François-Poncet, est, quant à lui, resté aux aguets. Apaisé, certes, mais pas repus de joutes et prêt encore à ferrailler : « Si t'as des convictions, que t'es prêt à te remettre en question, alors t'es jamais mort ».
La Dépêche du Midi. Après votre défaite aux élections municipales, certains pensaient que vous ne siégeriez pas dans l'opposition. Avez-vous pensé à vous retirer ?
Alain Veyret. Ceux qui pensent ça ne me connaissent pas : je ne fuis pas mes responsabilités. Évidemment, je n'ai pas fait la fête le soir du 2e tour. C'est une grande déception. Mais avant de faire de la politique, j'avais un métier, une famille. J'ai retrouvé mon métier avec plaisir, j'ai plus de temps à consacrer à ma famille et je me suis remis à des loisirs (N.D.L.R. notamment la musique) pour lesquels je n'avais plus de temps. Et je reste attentif à la gestion de la ville : 48 % des électeurs m'ont fait confiance, ce n'est pas rien (il sourit). Si je n'avais eu que ma voix, là, oui, je me serais retiré…
Avec le recul, comment expliquez-vous cette défaite ?
On a souffert des coups qu'on nous a donnés et puis on a fait une mauvaise campagne. On n'a pas réussi à expliquer notre bilan. D'un autre côté, on n'a pas non plus fait de promesses intenables pour se faire élire. Je dis ce que je fais et je trouve normal de ne pas en faire tout un plat. Moi, je suis incapable de faire du show-biz. L'élection de Dionis est quand même une escroquerie : il a présenté une liste soi-disant ouverte, avec des gens de gauche. Au final, on a élu un maire de droite à Agen. Un député qui vote des deux mains la politique de Sarkozy et impose des choix ultralibéraux en matière d'aménagements commerciaux à Agen, au moment même où le libéralisme atteint ses limites un peu partout dans le monde.
Quel bilan tirez-vous des huit premiers mois du mandat Dionis ?
Je ne sais pas. Qu'est-ce qui s'est fait en 8 mois à Agen ? La nouvelle équipe a repris des projets que nous avions initiés et enterré d'autres qui étaient très bons. La rocade est en travaux, comme on l'avait prévu ; le projet de rénovation qui va être lancé à Tapie reprend exactement le cœur de notre projet… Lamothe-Magnac, dont il nous disait que c'était très mauvais, va se faire quand même mais ne sera pas encadré, au contraire de ce que nous avions imaginé. Alors oui ! Je dis qu'il y a de l'escroquerie. Et il y a surtout beaucoup d'effets d'annonce : on va avoir des caméras partout au centre-ville, mais du coup on ne regarde pas ce qui se passe dans les quartiers.
À propos de quartier, la mairie a été amenée à organiser une rencontre avec la population de Montanou, suite à des caillassages de policiers. Quelle est votre analyse là-dessus ?
Intervenir dans les quartiers, ce n'est jamais facile, c'est pour cela qu'il ne faut pas donner d'espoirs qu'on n'est pas capable de réaliser. Évidemment, il ne doit pas exister de quartier où la loi ne s'applique pas et il faut une politique de fermeté. Mais il faut aussi tenir compte des grosses difficultés sociales. Et là, les politiques doivent mettre les moyens. Ce n'est pas pour rien que notre équipe avait titularisé les emplois jeunes animateurs et mis des moyens importants sur la politique de la ville. Mon idée c'est qu'Agen est la même partout et que les habitants du centre-ville devraient avoir envie d'aller à Montanou comme les habitants de Montanou ont envie d'aller au centre-ville. Mais pour ça, il faut casser les « murailles virtuelles » et développer des pôles d'attraction dans chaque quartier. C'est en cela qu'abandonner le multiplexe à Donnefort est une erreur politique majeure.
C'est-à-dire ?
Il faut que Montanou, Barleté, Tapie se sentent partie prenante du centre-ville. Faire un cinéma à Donnefort avec des restaurants, cela participait au lien social entre Montanou et le centre. En construisant le nouveau cinéma au Pin, Agen se resserre un peu plus sur son nombril : on régresse.
Au PS, il vote Delanöé et Laffore
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le militant est dubitatif quant au spectacle offert par les dirigeants socialistes pour savoir qui prendra les rênes du parti. Alain Veyret, qui regrette l'absence de leader charismatique à la tête du PS, comme avait pu l'être Mitterrand lors du congrès d'Epinay, ne désespère pas qu'une tête émerge. « Quel que soit le nouveau premier secrétaire, il faudra surtout une ligne politique claire. A défaut, je verrai ce que je ferai ».
Pour l'heure, lui a choisi de soutenir la motion présentée par Bertrand Delanoë : « Ségolène Royal a eu sa chance, je pense qu'on pourrait la donner aussi à Bertrand Delanoë ». Une manière aussi de « renouveler » les têtes, et plus spécialement au plan local. Là aussi, le choix entre son ancienne adjointe Lucette Lousteau (motion Royal, soutenue par le sortant Jean Guérard) et son ancienne directrice de campagne Sandrine Laffore est fait : cette dernière est en effet jugée « particulièrement compétente ».
Pas d'agglo à 52 communes
Jeudi soir, à l'occasion du conseil de la communauté d'agglomération d'Agen (CAA), Jean Dionis expliquait qu'il convenait d'imaginer une agglomération à la taille du pays de l'Agenais dans les 20 à 30 ans. Une expansion qui ferait passer la CAA de 7 à 52 communes et 100 000 habitants. Une vision que ne partage pas Alain Veyret : « Il faut s'en tenir à la définition que donne l'INSEE d'une agglomération, à savoir une continuité bâtie. Les problématiques de communes comme Laroque-Timbaut ou Puymirol n'ont rien à voir avec celles d'Agen ou de Castelculier. Inclure dans une même structure toutes ces collectivités, c'est réaliser le mariage de la carpe et du lapin. En revanche, l'agglomération doit être leader dans une zone comme le pays et nouer des partenariats avec les autres communautés de communes, pour les aider ».
Publié le 15/11/2008 09:26 | Propos recueillis par Jérôme Schrepf
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