La polémique gronde à Agen. Elle se cristallise autour d’une maison noire et de ses deux occupants (à moins qu’il ne s’agisse de l’inverse…Oups, je m’égare !).
L’histoire démarre en 2003. Jean-Jacques et Pascal décident d’offrir à leur imposante demeure un petit « rafraîchissement » extérieur. Comme d’autres choisissent de proposer à la vue de leur voisinage des façades bleues, roses, ou ocres, ils décident, eux, de la revêtir entièrement de noir. Le garage et la cuisine d’été inaugurent cette métamorphose en se parant de volets et d’huisseries noirs, les volets roulants de la maison deviennent bronze foncé à leur tour, la bâtisse toute entière suit bientôt le mouvement…
Alors certes, il fallait oser ; certes, ce choix s’inscrit dans une démarche artistique et rend un hommage (pour le coup retentissant) à Pierre Soulages ; mais, il s’agit avant tout d’une affaire de goût. Comme le rappelle Pascal avec l’élégance de son humilité : « Nous ne revendiquons aucune légitimité particulière derrière l’étiquette d’artistes, chacun a le droit de choisir la couleur qu’il veut donner à sa maison et peut le faire avec goût ; nous, nous avons choisi le noir ! ». Voilà, nous y sommes ! Ainsi se dévoile le nerf de la guerre : ce choix là, justement, ne plait pas à M. le Maire.
La bataille du pot de terre contre le pot de fer est lancée. L’un assénant ses choix sous couvert de prérogatives réglementaires, les autres tentant vainement d’exposer la pertinence du leur.
Ainsi va la vie…Certains aiment tracer des lignes bien droites et intégrer tout dans des cases, d’autres affichent des aspirations moins conventionnelles…C’est de cette diversité, sans doute, que peut naître la richesse (oups, je m’égare à nouveau…).
Ainsi, la controverse qui enflamme les esprits en pays agenais (et bien au-delà) est née d’une banale (et futile) histoire de couleur. Et, n’en déplaise à M. Le Maire et ses quelques acolytes engagés dans la bataille, l’opinion publique, se sentant bafouée dans ses libertés d’action, se veut largement favorable aux deux protagonistes (bien malgré eux) de toute cette affaire. Et oui, parce qu’en dépit du tapage médiatique qui déferle sur eux, Jean-Jacques et Pascal sont des hommes discrets. Loin d’eux l’idée de provoquer, encore moins de heurter leurs concitoyens.
A l’instar de ces amoureux d’art contemporain, cette fameuse maison noire se révèle dès le seuil de la porte (où la réplique d’un magicien rythme les entrées) tout à la fois ensorcelante, chaleureuse, féerique. Ce noir lui confère une élégance et un raffinement incomparables, pour ma part…inattendus !
En dernier recours, M. Dionis propose de conserver trois façades noires (les moins exposées) et de rétablir le blanc sur la façade sud (outrageusement représentée sur les cartes postales de l’Ermitage !) ; solution à laquelle Jean-Jacques et Pascal ne peuvent se résoudre…
Tout est finalement question d’angle de vue (vues)… CC
LA METHODE " DIONIS "
La « Maison Noire » agitant tous les esprits et en particulier ceux de la municipalité, nous nous sommes dit qu’il pouvait être intéressant de rencontrer les deux principaux intéressés, afin d’avoir leur appréciation de la « méthode Dionis ».
Leur première rencontre avec Jean Dionis, venu sur place pour se rendre compte par lui-même de la dimension artistique de cette demeure, est restée, dans un premier temps, comme agréable pour nos deux artistes. « Il a jugé que la maison était jolie, que c’était bien. » Voilà nos deux hommes rassérénés. Mais l’affaire va vite prendre un autre tournant.
Invités à une conciliation à la mairie, ils s’y rendent en ayant pris soin de préciser qu’il était inutile de leur faire faire une demande d’autorisation, sachant pertinemment que celle-ci serait refusée, et dès lors les mettrait dans une situation délicate. Mais la mairie assure qu’il n’en est rien.
Ils ressortiront de cette entrevue complètement écœurés. « C’était une arnaque, un traquenard ! Nous avons l’impression d’avoir été trahi par le maire ! » En effet, Jean Dionis trouvait cette maison beaucoup moins amène. Que s’est-il passé entre temps ? Pourquoi cette volte-face soudaine et brutale ? Nos deux adeptes de la monochromie se le demandent toujours. Non seulement Jean Dionis les a fait venir afin de leur faire signer cette demande d’autorisation, mais devant leur fin de non-recevoir a sorti les menaces et l’intimidation : « cela va vous coûter cher en frais d’avocat et d’astreintes ! », sans oublier le bilan thermique qu’il souhaite leur imposer, afin de leur prouver le caractère absurde et onéreux de leur démarche. « Vous serez obligés d’installer un climatiseur ! » lance-t-il.
Toujours est-il que nos artistes décident d’amener le dossier devant le tribunal administratif afin de faire lever l’interdiction de travaux. Depuis, silence radio de la part de la mairie, jusqu’à la parution d’un article sur le site Internet de la ville, tentant d’exposer son point de vue. Si elle rappelle l’article de loi (R421-17 du Code de l’Urbanisme) sur lequel les avis des deux parties divergent, la Mairie d’Agen met surtout en avant le caractère non-écologique et la question de l’intégration dans le paysage. En somme, les goûts et les couleurs…
« Si réellement l’interdiction est justifiée, quel intérêt d’utiliser de telles menaces et d’avancer ce type d’arguments ? », s’interrogent Jean-Jacques et Pascal. « Il suffit de s’appuyer sur les textes. Dans aucun des documents que nous ont laissé les Bâtiments de France ne figure d’article concernant la couleur. On a beau les relire dans tous les sens, impossible de le trouver, que ce soit nous ou notre avocate.» La clé réside peut-être ici.
« Avec Alain Veyret, on n’aurait pas eu ce genre de problème. C’est un homme aimable et ouvert. » Et si l’on en croit tous les messages de soutien reçus, tant sur leur livre d’or, que dans leur boîte aux lettres ou encore sur le forum de la mairie, les agenais auraient, semble-t-il, un temps d’avance sur leur maire en matière « d’ouverture ». On les aurait trompé ? JMH
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